La poudre noire

 

Pour apprécier l’aspect tout à fait original de l’invention de la poudre à canon, il est nécessaire d’effectuer un petit détour du côté de la cinétique chimique. En effet, parmi l’ensemble des données qui caractérisent une réaction, l’une des plus évidentes concerne sa vitesse. Encore et toujours, pour être clair, prenons un exemple. Si l’on abandonne une plaque de beurre à l’air, elle rancit, ce qui correspond à une oxydation ; si l’on allume une flaque d’essence, elle brûle (encore une oxydation). Pas besoin d’un long discours pour souligner la différence entre les deux événements. Or cette différence est due pour l’essentiel à des aspects cinétiques alors que, fondamentalement, il s’agit pour les deux phénomènes de la réaction de l’oxygène de l’air avec une matière organique.

Dans le cas d’une combustion vive (un incendie de forêt par exemple) l’intensité du feu n’est pas limitée en général par les potentialités chimiques proprement dites, mais plutôt par des considérations physiques liées aux transferts de matière : départ des produits incombustibles (gaz carbonique, eau…) de la zone réactionnelle et arrivée de l’oxygène. Lorsque le vent exacerbe ces transferts, le feu peut devenir incontrôlable.

En revanche, et pour la même raison, un tout début d’incendie peut être étouffé sous une couverture et une combustion ne saurait durer longtemps dans un espace hermétiquement clos. Et pourtant… Les hommes ont eu une idée diabolique : s’affranchir de l’arrivée de l’air en apportant l’oxygène artificiellement au sein même de la substance combustible. La voie vers les explosifs était ouverte. Avant d’en venir au début de leur histoire, et pour mieux le comprendre, quelques rappels ne sont peut-être pas inutiles :

Selon une définition classique, on désigne sous le nom d’explosifs les composés définis ou les mélanges qui, en un temps extrêmement court, libèrent leur énergie chimique sous forme de chaleur, élevant ainsi à haute pression et à haute température les gaz produits dans la réaction. Pour les applications pratiques, la vitesse à laquelle se déplace le front de flamme revêt un caractère essentiel. D’une façon très générale on distingue :

? la déflagration, qui se déplace à une vitesse s’exprimant en mètres par seconde ; c’est le domaine des explosifs balistiques, par exemple des poudres à canon (poudres vives). C’est aussi le régime de combustion de nos gazinières, dont le débit est pour cela strictement déterminé (pas de bricolages SVP), mais également celui des moteurs à allumage commandé.

? la détonation, qui se propage à plusieurs kilomètres par seconde et concerne les explosifs brisants, lesquels ne commenceront à apparaître, et à se manifester par de terribles accidents, qu’à la fin du 18ième siècle. Pour donner une idée de la violence du phénomène, disons qu’un incendie qui se déplacerait à la vitesse d’une réaction de détonation traverserait la France, de Biarritz à Strasbourg, en moins de cinq minutes.

Un mot encore. Beaucoup de personnes sont persuadées que l’effet d’un explosif est dû uniquement aux gaz libérés lors de sa mise en œuvre ; en fait la chaleur dégagée joue un rôle plus important. Par exemple, l’explosion du mélange tonnant (2 volumes d’hydrogène pour 1 volume d’oxygène) conduit à un souffle violent en dépit de la diminution du nombre des espèces gazeuses :

2H2 + O2 à 2H2O

1 – SALPÊTRE, FUSÉES, PÉTARDS ET FEU GRÉGEOIS

Il n’est point de secrets que le temps ne révèle.

Jean Racine – Britannicus

De l’Antiquité jusqu’au delà du Moyen-Age le bois représentait le matériau principal des constructions, des ouvrages défensifs et des navires. Ce choix économiquement et techniquement justifié pour l’époque comportait une redoutable contrepartie : les incendies étaient fréquents et dévastateurs. Aussi, depuis toujours, les militaires, sans pour autant faire preuve d’une imagination débordante, ont cherché à accroître leur pouvoir de nuisance (ce qu’ils nomment aujourd’hui pudiquement leur capacité vulnérante) par ce moyen élémentaire mais ô combien efficace : foutre le feu chez l’ennemi. A cet effet on peut dire que tous les combustibles ont été employés, les plus recherchés étant les liquides gras qui s’accrochent aux structures et sont impossibles à ramasser : huile, poix, résines, naphte (pétrole s’écoulant naturellement du sol).

Au tout début de notre ère, les Chinois font une découverte capitale. Un produit naturel, le salpêtre (sel de pierre) possède la propriété remarquable d’entretenir et d’activer les combustions. Ce dit salpêtre, en fait un mélange de nitrates contenant principalement du nitrate de potassium (KNO3) abonde en Chine ; certains sols s’y recouvrent régulièrement d’efflorescences blanches qu’il suffit de balayer pour en assurer la récolte. Dans la foulée, les Chinois préparèrent un produit vivement combustible par mélange intime de charbon, de soufre et de salpêtre. L’ancêtre de la poudre à canon venait de voir le jour ; le premier texte à en faire mention est un traité d’alchimie chinois du 10ième siècle.

Cependant il faut souligner que cette poudre donnait lieu à une combustion relativement lente, un peu comme une poudre à canon humide qui fait ‘‘long feu’’. Avec elle les Chinois confectionnaient des fusées (ou feux volants) en la bourrant dans des tiges de bambou, mais également des pétards en l’entourant de couches de papier bien serrées et ligaturées à chaque extrémité, le bruit caractéristique provenant de l’explosion de l’enveloppe. Dans l’un et l’autre cas l’allumage se faisait à l’aide d’une mèche imprégnée de salpêtre.

Les fusées furent utilisées par les Chinois non seulement pacifiquement au cours des fêtes, mais aussi militairement, comme engins incendiaires, à partir du 11ième siècle semble-t-il.

A noter que l’Inde, presqu’en même temps que la Chine, connut les mêmes développements, ses habitants attribuant l’invention de la poudre à un Dieu, Visvocarma.

Dès l’Antiquité, les contacts commerciaux s’établirent entre la Chine et l’Empire Romain par les routes de la soie. Toutefois, ce n’est qu’à la fin du 7ième siècle que le secret de la poudre, ou du moins du salpêtre, passe en Occident.

En 674 le calife Mouraïra met le siège devant Constantinople. C’est alors qu’un Syrien, Callinicus, profite de l’occasion pour offrir ses services à l’empereur byzantin en lui proposant un ‘‘feu’’ miraculeux dont il a le toupet de se prétendre l’inventeur (plus vraisemblablement, il connaissait les vertus du salpêtre à la suite de contacts commerciaux avec les Chinois). Quoi qu’il en soit le secret de Callinicus va devenir entre les mains des Byzantins une arme formidable : le feu grégeois. Il s’agissait d’un mélange de naphte, de goudron, de soufre, de résine et de salpêtre. Ce n’est encore qu’un mélange incendiaire mais grâce au salpêtre il acquiert une vigueur et une résistance à l’extinction encore jamais vues. Constantinople va garder jalousement le secret de ce feu. Un très petit nombre d’ouvriers et de maîtres, étroitement surveillés, est affecté à sa fabrication. Ainsi, l’empereur Constantin Porphyrogénète ordonne à son fils : « Tu dois par-dessus toute chose porter tes soins et ton attention sur le feu liquide qui se lance au moyen des tubes ; et si l’on ose te le demander comme on l’a fait souvent à nous-mêmes, tu dois repousser et rejeter cette prière en répondant que ce feu a été montré et révélé par un Ange au saint et grand premier empereur Constantin. »

Durant près de six siècles, l’empire byzantin va utiliser avec succès son feu grégeois au cours des affrontements maritimes : défense de ses ports, confection de brûlots dirigés vers la flotte ennemie, jets de pots et tubes en verre contenant le mélange incendiaire (à cette époque les rencontres navales avaient lieu pratiquement bord à bord). On peut imaginer dans le dernier emploi les ancêtres, peut-être plus efficaces, de nos cocktails Molotov.

En 1204 l’armée des Croisés met le siège devant Constantinople et enlève la ville, ruinant du même coup le monopole grec relatif à l’utilisation du salpêtre.

Or à cette époque, au début du 13ième siècle et indépendamment de ces événements, les Arabes à leur tour voient arriver chez eux la révélation des propriétés du salpêtre et de la poudre noire, toujours en provenance de Chine avec laquelle ils entretiennent des relations depuis le 8ième siècle1. Immédiatement ils s’empressent de les mettre en œuvre pour soutenir leurs conflits. Mais alors que les Byzantins réservaient le feu grégeois presque exclusivement aux affrontements navals, les Arabes sauront l’utiliser dans les batailles terrestres, notamment lors des Croisades, sous toutes ses formes possibles et imaginables, souvent de façon plus spectaculaire que franchement ‘‘vulnérante’’. Joinville rapporte ainsi le bombardement de l’armée de Saint-Louis : « Un soir advint que les Turcs amenèrent un engin qu’ils appelaient la pierrière, un terrible engin à malfaire, et par lequel ils nous jetaient le feu grégeois. Cette première fois, ils atteignirent nos tours en bois ; mais incontinent le feu fut éteint par un homme qui avait cette mission. La manière du feu grégeois était telle qu’il venait devant nous aussi gros qu’un tonneau, avec une queue d’une grande longueur. Il faisait tel bruit qu’il semblait que ce fut foudre qui tombait du ciel et comme un grand dragon volant dans l’air avec une traînée lumineuse. »

Deux événements d’une importance décisive marquent, vers le milieu du 13ième siècle, l'aventure de la poudre noire :

A - Un certain Marcus Graecus (on ne sait à peu près rien de lui) fait paraître vers 1230 un livre en latin : Liber ignium ad comburendos hostes (Livre des feux pour brûler les ennemis) dans lequel il publie pour la première fois en occident la composition pondérale de la poudre noire, soit 1 partie de soufre, 2 parties de carbone et 6 parties de salpêtre ; à noter que celle-ci est assez voisine de celle qui sera en définitive retenue (1 – 1 – 6). Il indique également un procédé rudimentaire pour purifier le salpêtre naturel par lessivage, filtration puis cristallisation et préconise de préparer le charbon de bois à partir de tilleul ou de saule. Pour finir – détail important pour la sécurité des opérateurs – il recommande de n’effectuer toutes ces manipulations qu’à l’extérieur des locaux d’habitation.

A partir de cette date clé, on peut dire que les informations essentielles concernant la poudre noire sont dans le domaine public. A cet égard Roger Bacon et Albert le Grand apparaissent davantage comme les continuateurs de Marcus Greacus que comme de véritables précurseurs.

B - Les Arabes, certainement les meilleurs alchimistes de l’époque, s’intéressent de très près à une fabrication soignée et l’on pourrait dire scientifique de la poudre noire. Ils vont ainsi la porter à un degré de perfection qu’elle conservera sensiblement inchangé pendant plus de 500 ans. Leur démarche, pragmatique mais très habile, inspirée par les préceptes de l’alchimie d’Alexandrie, consiste à n’employer que des composés rigoureusement purifiés sinon purs :

? le salpêtre ; c’est un produit naturel renfermant du nitrate de potassium mais également d’autres nitrates : de calcium, de magnésium, de sodium. Ce dernier, très hygroscopique conduit à altérer rapidement les propriétés de la poudre. Les Arabes vont non seulement purifier physiquement ce mélange mais aussi chimiquement en le traitant avec une lessive de cendres de bois, riche en carbonate de potassium, pour transformer le nitrate de sodium en nitrate de potassium (2NaNO3 + K2CO3 à 2KNO3 + Na2CO3) en jouant sur les solubilités respectives des deux composés. Au bout du compte ils obtenaient du KNO3 à peu près pur.

? le soufre ; comme de nos jours il se rencontrait facilement à l’état natif dans les régions volcaniques. Sa purification nécessitait une distillation soignée.

? le charbon ; on l’obtenait par combustion ménagée du bois puis broyage. Toutefois la reproductibilité du processus de carbonisation laissera toujours à désirer2.

C’est principalement la préparation et la purification du nitrate de potassium à partir du salpêtre brut qui représente l’avancée la plus spectaculaire. Il s’agit d’un travail admirable pour l’époque qui prouve, s’il en était encore besoin, la précellence des Arabes du 13ième siècle en matière de chimie. Grâce à lui la voie est désormais ouverte à la réalisation de poudres non plus lentes mais vives, c’est-à-dire de véritables explosifs déflagrants pouvant propulser des projectiles à grande vitesse dans un tube3, ce que l’on appelle pour cette raison des explosifs balistiques.

2 - LES PREMIERS COUPS DE CANON

Tous les grands seigneurs, tous les chefs de bannières, s’étaient réunis pour voir fonctionner les bombardes. Le connétable Gaucher haussait les épaules et déclarait, l’air bougon, qu’il ne croyait pas aux vertus destructrices de ces machines. Pourquoi toujours faire confiance à des « novelletés », alors qu’on pouvait se servir de bons mangonneaux, trébuchets et perrières qui, depuis des siècles, avaient produit leurs preuves ?… Les guerres se gagnaient par la vaillance des âmes et la force des bras, et non point par recours à des poudres d’alchimistes qui sentaient un peu trop le soufre de Satan !

Maurice Druon – Les Rois Maudits

Dès l’antiquité, l’artillerie4 mécanique de siège avait atteint un niveau d’efficacité tout à fait acceptable. Une machine de jet, bien que lourde, compliquée et difficilement manœuvrable, ‘‘balançait’’ une charge de près de 100 Kg à plus de 200 mètres. Les progrès furent constants. Au Moyen-Age, au début du 13ième siècle, ce sont 300 Kg qui voyageaient à la même distance. Lorsque le projectile s’abattait, en tir plongeant, mieux valait ne pas se trouver trop près de l’impact : une maison était aplatie comme une crêpe. Dès cette époque, aucune forteresse ne pouvait plus résister aux machines de jet pourvu qu’elles soient servies par un bon ingénieur. Chacun en prit conscience lorsqu’en mars 1244 Montségur, citadelle réputée inexpugnable tomba, écrasée par une pierrière construite et mise en œuvre de main de maître par l’évêque d’Albi, chrétien discutable mais ingénieur hors pair.

L’artillerie de campagne posait un tout autre défi. Impossible d’y faire figurer les monstrueuses machines de siège. Les Romains avaient bien recherché une solution en mettant au point leur scorpion mais ce dernier, de côte mal taillée en compromis, n’était en définitive ni assez puissant ni suffisamment manœuvrable. Tout ou presque restait à faire. Lorsque les Arabes purent réaliser une poudre vive, ils tinrent en fait la clé du problème. Toutefois la pesanteur des habitudes fit que les armes à feu, considérées comme des machines de siège, ignorèrent au début le champ de bataille.

Quand et par qui fut tiré le premier coup de canon ? Sûrement par un Arabe à la fin du 13ième siècle. Vraisemblablement par Abou-Yousouf, sultan du Maroc, en 1275. L’arme, simple tube en bois (madfoa) lançait une grosse flèche.

Dans l’occident chrétien, le canon commence à se faire entendre en 1324 lors des sièges de Metz et de La Réole5. Il est utilisé par les assiégés dans le premier cas et les assiégeants dans le second, chaque fois avec succès. A partir de cette date il s’associe progressivement et étroitement à l’histoire des conflits armés au point d’en devenir le symbole.

En 1342 les Arabes l’utilisent pour défendre leur position d’Algésiras assiégée par les troupes d’Alphonse XI lors de la Reconquista, en tirant des boulets de fer gros environ comme des pommes. Heureusement pour les Castillans, la plupart des projectiles passent par-dessus leurs têtes sans les frapper. On commence à découvrir que le canon n’est pas fait pour tirer loin mais pour tirer de loin.

L’année 1346 (soit 22 ans après La Réole) constitue une date emblématique qui préfigure l’évolution des futurs conflits terrestres : à Crécy, les Anglais expérimentent la première intervention de l’artillerie à poudre sur le champ de bataille, en rase campagne. Les Français trouveront là une excuse facile pour tenter de justifier l’une des plus incroyables torchées de leur Histoire. Pourtant, si les Anglais s’imposèrent à Crécy ce n’est pas à la faveur de leurs trois ou quatre couleuvrines d’une inefficacité irréprochable, ni même peut-être de leur archerie équipée du remarquable long bow, mais plutôt grâce à leur incomparable capacité à bien se battre6.

La poudre noire déflagrante commence également à s’illustrer par une série d’explosions accidentelles qui reviendront avec une triste régularité, et jusqu’à nos jours avec les dépôts pour feux d’artifice en particulier. Le premier sinistre mémorable concerne la ville de Lubeck en 1360 et pulvérise tout un quartier. Grenelle en 1794 fera plus d’un millier de morts. Dès le 14ième siècle, tout convoi de poudre doit être précédé d’un drapeau noir afin d’inviter les populations à s’éloigner.

3 – DE LA POUDRE NOIRE AUX EXPLOSIFS NITRÉS

Nous guidons les affaires en leur commencement et les tenons en notre merci ; mais par après quand elles sont ébranlées, ce sont elles qui nous guident et emportent, et avons à les suivre.

Michel de Montaigne

Si la composition globale de la poudre noire va peu évoluer au cours des siècles, en revanche les techniques de sa préparation marquent une évolution constante.

Par mesure de précaution on broyait séparément le mélange de soufre et de charbon, jusqu’à obtention d’une poudre homogène. Le salpêtre n’apparaissait qu’en fin d’opération, son mixage s’effectuant en présence d’eau pour des raisons évidentes de sécurité (1,5 litres d’eau pour 10 Kg de poudre) et encore fallait-il veiller à compenser régulièrement les pertes par évaporation. Ces opérations de broyage et de mélange étaient réalisées à l’aide de pilons, très proches des bocards utilisés par les métallurgistes, et comme eux mis en mouvement par des roues hydrauliques équipées de cames. De là le terme de ‘‘moulins à poudre’’ employé pour désigner ces fabriques.

En France, durant la période révolutionnaire et le Premier Empire, les besoins en poudre furent tels que l’on dut recourir à des moyens plus expéditifs mais aussi plus dangereux. En particulier on broyait les ingrédients à la force des bras, dans des tonneaux tournants remplis en partie de billes de bronze appelées gobilles.

Jusqu’au 17ième siècle, en dépit de tous les soins apportés à sa fabrication, la poudre n’était jamais totalement homogène, ce qui nuisait beaucoup à la reproductibilité de sa vitesse de combustion et donc à celle de ses effets balistiques. Pour remédier à cet inconvénient on commença, à partir de 1700 environ, à utiliser la poudre sous forme de grains. Sous cette forme le front de flamme se propage non plus dans la masse de l’explosif lui-même mais dans ses interstices, ce qui permet d’obtenir en définitive un résultat pratiquement constant d’un tir à l’autre, pour une même masse de poudre.

La qualité du produit obtenu justifiait pleinement la complication et les risques ajoutés au procédé de fabrication. Il fallait en effet partir d’une galette de poudre, la briser dans un tamis spécial appelé le guillaume, puis sélectionner au crible les grains en fonction de leurs diamètres et enfin les polir. Pour une poudre à canon il convenait de réaliser des grains polis d’environ deux millimètres de diamètre.

Au début du 19ième siècle, le chimiste Joseph Proust, sans doute pour cultiver l’art du paradoxe mais aussi pour inciter à la recherche, faisait observer que l’on n’avait pas encore inventé la poudre, l’idéale, la vraie. En effet la poudre noire, alors demi-millénaire, présente des inconvénients majeurs :

Ø Elle est sujette à des inflammations intempestives, sources d’accidents.

Ø Elle absorbe progressivement l’humidité de l’air, ce qui diminue, et à la limite détruit, ses propriétés balistiques.

Ø Sa combustion produit des composés solides qui encrassent les tubes7.

Ø Elle dégage une fumée épaisse qui facilite le repérage des positions par l’ennemi.

Ø Ses grains se réduisent petit à petit en poussier, notamment lors des transports, ce qui diminue sa valeur balistique et augmente le risque d’explosion accidentelle.

Or, détail curieux, au moment ou Joseph Proust formulait ses critiques, la chimie avait commencé à accéder à ses vœux plus de dix ans auparavant, en 1788 exactement, avec la synthèse de l’acide picrique8, en fait le trinitrophénol, HO-C6H2(NO2)3 sur lequel nous reviendrons.

La même année (1788) Berthollet découvre le chlorate de potassium en faisant lentement barboter du chlore gazeux dans une solution concentrée et chaude de potasse : 3Cl2 + 6KOH à ClO3K + 5KCl + 3H2O . Ebloui par les propriétés comburantes exceptionnelles de son chlorate, il a l’idée de le substituer au salpêtre dans la fabrication de la poudre noire. Malheureusement, il obtient alors une poudre non plus déflagrante mais brisante (pour la première fois dans l’histoire de la chimie). Un premier essai de fabrication en vraie grandeur à la poudrerie d’Essonne rase l’atelier, tuant le directeur et sa fille ainsi que quatre ouvriers. Berthollet sauve sa peau par miracle. Quatre ans plus tard, nouvel essai : trois morts. Pour le coup, on s’en tient là.

En fait, l’invention de Berthollet trouvera une application plus pacifique, pour les foyers domestiques, avec l’arrivée des premières allumettes chimiques, dites Lafumade, du nom de leur fabricant. Il ‘‘suffisait’’ pour obtenir du feu, de tremper une bûchette enduite à l’une de ses extrémités d’un mélange de chlorate de potassium et de soufre, dans une fiole contenant de l’acide sulfurique concentré. Elles ne seront détrônées qu’en 1830 par les premières allumettes allemandes au phosphore, prenant feu par simple frottement (même contre une semelle) et que l’on peut encore admirer dans tous les bons westerns.

Le trinitrophénol, comme on l’a vu, est obtenu lui aussi en 1788 par réaction de l’acide nitrique avec le phénol, aboutissant au remplacement, dans la molécule de phénol, de trois hydrogènes (1,4,6) par trois radicaux NO2- . Au début personne ne se doute des potentialités explosives de l’acide picrique9. Si son goût amer apparaît sans intérêt industriel, en revanche sa belle couleur jaune le désigne pendant plusieurs décennies comme substance tinctoriale de choix.

Ce n’est qu’au début du 19ième siècle que l’on s’aperçut que l’on pouvait faire ‘‘péter’’ l’acide picrique en le chauffant, surtout en présence de chlorate de potassium. Cette observation donna lieu à une kyrielle de poudres expérimentales (Fontaine, Abel, Dessignole, Brugère…) toutes plus détonantes les unes que les autres. Un terrible accident, place de la Sorbonne en 1809, stoppa net les recherches sur ce mélange très particulier.

En 1800, nouvelle découverte : Howard, en faisant réagir le nitrate de mercure sur l’alcool éthylique, obtient le fulminate de mercure ; d’une manière similaire il préparera le fulminate d’argent. Le composé ainsi obtenu possède la propriété remarquable de détoner sous l’effet d’un choc. Il sera pour cette raison très utilisé par la suite pour amorcer le départ d’autres explosifs (réalisation d’amorces).

Le fulminate d’argent eut aussi dans le domaine public, et plus particulièrement dans celui des farces et attrapes, un emploi dont certains se seraient bien passés : la réalisation des bonbons chinois ou bonbons à la cosaque. Il s’agissait de faux bonbons, enrobés dans un papier imprégné de fulminate d’argent. Lorsque la victime voulait les déplier en tirant brusquement sur les deux bouts, l’explosion était certaine. Pendant plusieurs années ils mirent à vif les nerfs des directeurs de salles de spectacle et même de concert.

Finalement en 1846 entre en scène le candidat le plus sérieux à la succession de la poudre noire, le fulmicoton, obtenu par un chimiste de Bâle, Friedrich Shönbein, qui fait grand mystère de son mode de préparation. Jamais semble-t-il secret n’aura été aussi vite éventé : huit jours. En effet, dix ans auparavant, le chimiste français Jules Pelouze avait obtenu du fulmicoton, qu’il appelait xyloïdine, sans se douter un seul instant de ses propriétés explosives. Comme dans le cas de l’acide picrique, il suffisait de faire réagir l’acide nitrique avec du coton, en présence d’un peu d’acide sulfurique pour faciliter la réaction, le produit obtenu étant en toute rigueur de la nitrocellulose.

Dans la poudre noire les combustibles d’une part (carbone, soufre), l’oxydant d’autre part (nitrate de potassium) sont chimiquement séparés, ce qui nuit à l’homogénéité du système réactionnel et à sa durée de conservation. Par ailleurs le potassium, dont la seule utilité est de ‘‘porter’’ les groupes NO3 , génère fatalement, lors de la combustion, des produits solides désastreux pour la propreté de l’arme. A cet égard la réalisation de composés nitrés (acide picrique, fulmicoton) représente un progrès décisif : les groupes NO2 (oxydants) ne sont pas apportés de l’extérieur, mais incorporés au sein même de la molécule. Les avantages apparaissent vite déterminants :

Ø Parfaite homogénéité de la poudre, par nature.

Ø Très faible sensibilité à l’humidité (pas de sel hygroscopique).

Ø Stabilité au cours du temps.

Ø Pas de cendre, pas de crasse, peu de fumée.

Ces belles promesses doivent néanmoins être tempérées. En matière d’explosifs nitrés il convient de considérer deux aspects :

Ø La synthèse de la molécule nitrée de base.

Ø La mise au point d’un explosif utilisable à partir de cette molécule.

On peut presque affirmer que le second travail prime sur le premier. Ainsi, la célébrité et la fortune d’Alfred Nobel se fondèrent non sur la découverte de la nitroglycérine, déjà réalisée avant lui (Ascanio Sobrero en 1846) mais sur la préparation, à partir de cette molécule nitrée, d’un explosif utilisable : la dynamite. Pour ces raisons de mise en œuvre délicate, les premiers essais balistiques réalisés avec le fulmicoton furent à la fois encourageants et décevants. Les déceptions provenaient du caractère brisant de cet explosif qui provoquait souvent l’éclatement de l’âme de la pièce. A la suite d’une explosion dramatique à l’usine du Bouchet, le 17 juillet 1848, la France préfèra renoncer à la fabrication industrielle de cette poudre (appelée alors pyroxyle). D’autres pays se montrèrent plus persévérants.

Finalement ce n’est qu’en 1884 que l’on réussit (notamment Paul Vieille, auteur de la célèbre poudre B) à gélatiniser la nitrocellulose à l’aide d’un mélange d’éther et d’alcool et à lui conférer ainsi un régime de déflagration déterminé et parfaitement compatible avec son usage dans les armes à feu.

Si Joseph Proust avait vécu il aurait dit : Ils ont inventé la poudre.

 

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