La Louisiane sous le régime espagnol 1762-1803

Document:

Circonstances entourant l’exécution de cinq patriotes louisianais, le 25 octobre 1769.

Tel fut le défi lancé à l’Espagne en cette année 1768. L’expulsion de Ulloa, amenait sans tarder une réplique de l’Espagne.

L’Espagne déléguait Alejandro OReilly, un mercenaire irlandais promu au rang de brigadier général dans l’armée espagnole. Aussitôt mis au courant de l’expulsion de Ulloa par les Louisianais, Charles III, donnait immédiatement instruction à O’Reilly:

"avoir les têtes de la rébellion jugées et punies selon les termes de la loi, et ensuite prévoir l’expulsion de la colonie de tous individus et familles dont la présence met en danger la paix et la tranquillité."

Ainsi, le 24 juillet 1769, la flotte espagnole apparaît à l’embouchure du Mississipi. Francisco Bouligny, fut envoyé à la Nouvelle-Orléans,, pour transmettre l’assurance que: "si aucune résistance n’est offerte de votre part le général O’Reilly vous réservera un traitement favorable. et vous ne serez pas déçus si vous avez pleinement confiance en la disposition de clémence et de tendresse de sa Majesté Catholique."

L’heure de la prise de décision était venue pour les chefs de l’insurrection. La flotte espagnole qui s’apprêtait à remonter le fleuve, était une des plus formidables à avoir jamais été envoyée dans les colonies:28 transports ayant à bord 4500 soldats, et une grande quantité d’armes et de munitions. La Louisiane entière ne pouvait disposer pour contrer cette force qu’à peine de 1800 hommes.

Devant l’ampleur des forces espagnoles et de la renommée de son commandant, toute résistance serait futile. Et compte tenue aussi des promesses de justice d’O’Reilly et que le peuple avait souffert suffisamment avec Ulloa.

Pour donner suite à la demande de Bouligny, la Frenière et un compagnon furent choisis pour accompagner les représentants espagnols à une rencontre avec O’Reilly. Ils furent reçus avec courtoisie par ce dernier. La Frenière élaborait sur les difficultés initiales résultant du changement d’allégeance, et fit part de la façon dont ces difficultés avaient été empirées en raison de la gestion maladroite de Ulloa.

C’est vrai que le gouverneur a été expulsé, mais les coloniaux étant convaincus maintenant qu’ils avaient été irrévocablement abandonnés parleur mère patrie, entretiennent un bon espoir pour un gouvernement juste sous l’autorité de O’Reilly. On ne s’attend à aucune résistance de la part de la population.

O’Reilley se montrant rassurant répliqua:

"Messieurs, il est impossible de juger les faits et gestes sans en avoir pris une connaissance suffisante. À mon arrivée dans votre ville, je prendrai un soin particulier à m’enquérir des faits réels, et exami-nerai les raisons pouvant justifier votre geste. Vous pouvez être assurés, qu’il n’y aura personne de mieux disposé que moi pour rendre justice aux coloniaux et que la moindre blessure infligée à toute personne sera pour moi un grand regret."

Pendant le dîner qui a suivi, O’Reilly s’est montré un hôte affable et prévenant tel que les Français s’en retournèrent à la ville entrevoyant un avenir prometteur pour la colonie.

 

Le 17 août 1769, la flotte espagnole apparaît devant la Nouvelle-Orléans. et O’Reilly fut accueilli avec tout le cérémonial dû à son rang et à sa fonction. Des cérémoniesre ligieuses et civiles furent tenues en son honneur, après lesquelles l’Espagnol se retira à ses nouveaux quartiers.

Les deux jours suivants, des civilités furent faites de compliments d’usages mais de façons ostensibles. En privé cependant, O’Reilly entreprend l’étude des documents faisant état des évènements survenus en Louisiane depuis la cession à l’Espagne.

Le 21 août, le gouverneur espagnol fit venir à son quartier, sous différents prétextes douze des principaux notables de la Louisiane:

--La Frenière,

--de Noyan,

--Joseph Villere,

--Pierre Caresse,

--Pierre Marquis,

--Joseph Milher,

--Jean Milhet,

--Balthasar de Masson,

--Julien Jérôme Doucet,

--Pierre Poupet,

--Hardy de Boisblanc.

Il leur annonce:

"Messieur, je regret de vous dire, que vous êtes accusé d’être les auteurs de l’insurrection. Aussi, je vous arrête au nom du Roi. Mon meilleur voeu est que vous prouviez votre innocence, de sorte que vous serez libre. Maintenant Messieurs, veuillez remettre votre épée.

Entretemps, la maison est encerclée par la troupe espagnole,et la pièce est occupée par les grenadiers. Les prisonniers sont placés entre deux compagnies de grenadiers et conduits à leur locaux mais seront détenus séparément.

Ils seront interrogés et leur déposition sera enregistrée par écrit, et il ne leur sera pas permis de communiquer entre eux et à personne d’autres. Cette dernière disposition sera observée rigoureusement.

L’auteur de ce document l’historien louisianais François Y Martin raconte que la femme de Villère apprenant l’emprisonnement de son mari, accourut et prit une embarcation pour se rendre à la frégate où son mari était détenu. Comme elle s’approcha du vaisseau, il

lui fut ordonné de s’éloigner. S’identifiant, elle supplie pour voir son mari. On lui refusa.

Le prisonnier reconnaissant la voix de sa femme insistait pour la voir. À lui aussi on le lui refusa. Une lutte s’ensuivit dans laquelle il fut abattu par le garde d’un coup de bayonnette.

Toujours selon l’auteur Martin: "Sa chemise ensanglantée fut lancée dans l’embarcation pour l’informer de la mort de son mari; et un marin coupa le câble qui retenait le bateau à la frégate."

Le 12 octobre, les Français (ils ne sont plus que 11) doivent se présenter pour leur procès, ou plutôt ce fut le procès qui se présentait à eux. Les juges descendirent dans les cellules et chacun des accusés fut contraint de répondre minutieusement à toutes les questions que les juges désirent poser.

Les prisoniers n’ont jamais vu les témoins qui auraient témoigné contre eux. En fait, même l’identité des témoins ne fut révélée aux accusés.

La cour déclarait les prisonniers coupables le 24 octobre. Comme président de cette cour, O’Reilly prononçait la sentence:

--La Fenière,

--de Noyan,

--Caresse,

--Marquis,

--Joseph Milhet,

pour leur parcipation à un "crime si horrible" devront être conduits à un place d’exécution, montés sur un échafaud, avec chacun une corde autour du cou, pour être ensuite pendu jusqu’à mort s’ensuive, et restés ainsi suspendus au gibet, jusqu’au moment où il sera ordonné de les descendre."

Toute personne tentant d’enlever les corps subira le même sort.

Les six autres condamnés reçurent des sentences allant de six ans de prison à l’emprisonnement à vie. En plus les propriétés de chacun des condamnés seront confisquées au bénéfice du trésor royal.

L’exécution est fixée pour le lendemain, mais une difficulté imprévue se présenta, on ne trouvait personne pour la fonction de bourreau. Une grande récompense fut offerte, mais aucun chrétien ne s’est avancé pour la réclamer.

La sentence est amendée: l’exécution aura lieu devant un peleton d’exécution. Le 25 octobre 1769, les cinq condamnés sont conduits au lieu d’exécution entre deux rangées de soldats.

Un banc avait été mis à leur disposition, mais ils refusèrent de s’asseoir. Leur sentence fut alors lue en espagnol et en français. Ils refusèrent également d’avoir les yeux bandés.

J’ai vu la mort de près trop souvent pour la craindre aujourd’hui. La Frenière demande à son gendre Noyan d’envoyer le foulard qu’il porte à sa femme de façon qu’elle le présente à son fils quand celui-ci deviendra un homme.

La Frenière faisant face au peloton, donna l’ordre lui-même de faire feu.

C’est ainsi que débuta le régime espagnol en Louisiane, en ce 25 octobre 1769, sous l’autorité du mercenaire irlandais Alejandro O’Reilly.

Jacques Vaillancourt.

Sources:

--L’historien François Y Martin.

--John Chase: "Frenchmen, Desire, good Children and other Streets of New-Orléans."

D’après une lettre datée du 23 janvier 1774 à son frère Louis, par Hypolite Chauvin, né à Kaskapias, Illinois.

--"International Encyclopedia"

--"Catholic Encyclopedia, Louisiana."